ès l’instant où tu as réalisé que tu ne te réaliserais pas, tu as pris les devants et des décisions qui à défaut d’avant-garde seraient rassurantes pour ton entourage. Tu aimes évoluer calmement à la recherche de sensations fortes, sans te disperser ou sacrifier au risque ton équilibre. Tu sais également qu’ils sont nombreux à vouloir atteindre « l’équilibre de la nature » et non sans malice tu repenses aux équations logistiques [x t+1 =K xt(1-xt)]. N’en déplaise aux tenants du sacro-saint équilibre de la nature, une population subit des oscillations chaotiques où les effondrements suivent les périodes de croissances exponentielles. Oui déterminisme et aléatoire ne sont pas incompatibles. Tu le sais car tu aimes saisir l’épaisseur des données et bâtir ta vie sur des bases solides. Et finalement tu refuses de participer à cet événement culturel immanquable, préférant rester dans ta chambre, chantant à tue-tête du Neurosis, méditant sur les vers de ce bon vieux naturaliste « I would rather be ashes than dust ».
C’est donc sur des considérations assez basiques que nous commençons cet article : l’histoire est une succession d’aléatoire certes, mais fortement déterminée par les conditions initiales. Peu importe la violence de l’effondrement, il se créera toujours quelque chose. Le Jura est une destination parfaite pour évoquer ces sujets avec une débauche d’enthousiasme. Et puisque nous prenons la route via Bourg-en-Bresse (car nous partons de Lyon, souviens toi), L’Effondras sera notre bande son obligée. Car la Bresse est une plaine d’effondrement, fracture de l’écorce terrestre produite par des mouvements d’écartement entre les plis du Jura et les croûtes bourguignonnes. On traverse le fond argileux et gras d’une cuvette lacustre où s’accumulent les débris des massifs alentours, avant d’arriver dans les contreforts du Jura, le Revermont, d’où des roches s’élèvent et où la vigne remplace doucement le maïs. Road trip accompagné des compositions alambiquées du groupe au logo d’Einstürzende Neubaten décapité.
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«Ce symbole peut renvoyer à beaucoup de choses. C’est le Soleil astrologique, c’est une forme que l’on retrouve partout dans l’univers (atome, cellule, système solaire, galaxie, etc), c’est aussi un mexicain vu du dessus. C’est le symbole de l’or alchimique. C’était notre nom à l’origine et quand nous en avons eu assez d’être appelés « O », « Oh » ou « Ô » on a opté pour L’Effondras, qui est un patelin par chez nous en Bresse et qui porte bien son nom. Nous avons néanmoins gardé notre logo. Le rayonnement d’un soleil qui s’effondre est une idée qui me plaît bien pour évoquer notre musique. »
Avant d’arriver à destination, un article pétillant pour se mettre en appétit : la science avec ces images magiques de cerveaux découpés en 3D nous aide à visualiser comment notre cortex se crée intérieurement du plaisir juste en sachant que le vin est cher. La configuration initiale est tellement puissante que le capitalisme se glisse peinardement dans tes molécules de plaisir.
Le plus fun n’est pas seulement la mise en évidence de la subjectivité du goût rehaussée par la valeur marchande du contenu, fut-il placebo, mais bien la démonstration qu’objectivement ton cerveau procure plus de plaisir si tu as l’impression de boire un truc cher ou rare. Digression terminée, direction Jura.
Ode au Jura
Que l’on commence par dissiper tout malentendu : le Jura est une Terre d’avant-garde. Tandis que la Bourgogne flambe en vendant ses indulgences aux plus offrants, les crevards de l’empire reniflent les bons plans et redécouvrent la richesse d’un terroir mosaïque. Une palette géologique d’une étonnante symétrie (les même calcaires qu’à Corton) ou des pinots noirs racés mais accessibles, pour ceux qui n’aiment pas se salir les dents. Le Jura est à la Bourgogne ce que l’Auvergne est à Paris. D’ailleurs je mise sur l’Auvergne comme terre viticole post-Trump avec un puissant combo basaltes/granits. Ces chers bourguignons doivent tellement aux abbayes de Cluny et Cîteaux, qu’ils en oublieraient presque qu’elles ont été créées par celle de Gigny. Jura. Oui, c’est de Gigny en 909 que 12 fans de Death Metal partent fonder l’abbaye de Cluny avec pour seules armes leurs tonsures, leur abstinence et une corde sur les hanches. Ouais. 909. C’est donc avant la création du Clos des Vignes du Maynes, célèbre pour être le domaine le plus old school du game viti-vini.
Pourquoi ce détour par 909 ? Pour rétablir la vérité. Pas de Jura, pas de Gigny; pas de Gigny, pas de moines. Pas de moines, pas de sueur. Pas de sueur, pas de parcelles à épierrer. Pas de parcelles à épierrer, pas de murets. Pas de murets, pas de cru. Pas de cru, pas de spéculation. La rareté créée par la théologie de la libération est devenu l’enfer de la transmission. Papes chassés, accès au marché retrouvé. Renouveau de la piété, effort d’aménagement redoublé. « Si son choix se porta aussi sur la ville d’Avignon, possession du comte de Provence (roi de Naples et à ce titre vassal du Saint-siège), c’était que sa situation sur la rive gauche du fleuve la mettait en relation avec le nord de l’Europe, par l’axe Rhône/Saône ».
Domaines mythiques, Golgotha en barriques.
Pour montrer la puissance de l’Abbaye, les moines compensent leur style vestimentaire médiocre par une capacité d’innovation majeure. Ils inventent au XIIème siècle deux techniques aussi évidentes qu’indispensables : le pressoir et le foudre. Le jus est la sueur sublimée, l’eau transformée en vin. Pas assez de pieds pour fouler la masse des ignorants, le pressoir saura faire couler une grande quantité de jus. Et cette quantité il faut la stocker. Les moines inventent le foudre, et plus le foudre est imposant, plus l’Abbaye est puissante. Pour montrer la pureté, le moine rejette la complantation, pratique paysanne classique de diversification des risques, tandis que le moine ne mise que sur le cépage le plus fragile et le multiplie à l’infini. Les crus sanctifiés d’aujourd’hui sont les hors sol d’une époque : la terre est charriée, engraissée, drainée, triée. Lessivée et remontée à la main, derrière les murets en pierre. « À la sueur de ton front ».
« Le climat bourguignon est trop froid, les vins sont trop clairs, pas assez sucrés, les marchés sont trop loin. » [biblio : Moines et patrimoine]
Le marketing politico-spirituel fera le reste. Le goût est une construction de moine, la très ordinaire mécanique de l’extraordinaire, la tradition est une innovation qui a réussi. En relisant ces lignes je m’inflige une pénitence douloureuse : mais pourquoi aimè-je tant le black pinot ? Ne suis-je finalement qu’un moine refoulé ? No futur.
Le Jura est aussi une terre d’innovations majeures. On y a créé un fromage coupé dans sa longueur pour y inscrire une fine couche de cendres (quelle brillante start-up aurait aujourd’hui une idée aussi disruptive ?). On y trouve des patelins donnant leur nom à des races de vaches ou des variétés de saucisses. Mais surtout, on y découvre ébahis une méthode de vinification qui consiste à laisser le vin s’évaporer dans des conditions climatiques péraves. Sous-voile appelle-t-on cette manière de laisser les levures s’accumuler à la surface du vin dans une barrique à moitié remplie. Tandis qu’elles travaillent au ralenti, empêchant les vilaines piqûres acétiques (vin aigre), le vin va développer des arômes pour le moins exotiques. Le nom latin est mignon : Mycoderma vini. La peau de champignon du vin. Une bonne grosse mycose quoi. La taille de la bouteille de vin jaune (62 cl) rappelle le volume du départ (1L). Ce que nous buvons est ce que le temps nous laisse boire.
Enfin, laissez-moi vanter une dernière fois le génie inventif des Jurassiens. Lorsque le climat se fait rude, le sol maigre et l’été bien trop bref pour la vigne, il reste toujours quelque-chose à picoler ou des sapins à couper. Terre immémoriale de distillation de l’absinthe, jusqu’à en colorer le Doubs pour éviter l’explosion de l’usine Pernaud, le Jura est père de la fée verte, dont l’histoire fantastique de rebondissements nous sera comptée plus tard. Le retour des micro-distillateurs dans le paysage est une nouvelle réjouissante, je ne peux que vous conseiller de faire un tour chez La Semilla, semencier et distillateur passionnant installé aux Fourgs, village glacial qui porte bien son nom.
Finalement, il n’y a peut-être que les vegan qui trouveront à redire sur le potentiel attractif d’un pays où l’on mange la raclette avec du beurre.
… arrivent, les Marnes Blanches
Sur cette route des délices, avant de grimper sur le plateau des montbéliardes pour m’abreuver d’absinthe et de morbier fondu, on s’arrête à Saint-Agnès. Je suis un digger mec, je vais pas te parler Ganevat, Macle, Tissot ou Pignier. Ou traîner dans les pentes de Château Chalon comme un touriste essayant de s’incruster à l’happy hour de Château Marmont. Alors je file chez les Marnes Blanches, accueillis par Géraud Fromont. Ce qui est cool avec Géraud, c’est qu’il est … cool. La simplicité avec laquelle il se glisse dans les complexes méandres jurassiques est celle de l’amoureux des choses pour ce qu’elles sont. Car ce sous-sol tourmenté par des siècles de tectonique, d’accumulation et de remaniements sédimentaires est mis en lumière par des cuvées parcellaires précises, savamment enchaînées, limpides dans leur interprétation territoriales.
Accueillis dans le chai, on goûte sur cuve un trousseau tout juste tranquillisé : miam, une glissade pour commencer la visite. C’est pas toi qui bois du vin, c’est le vin qui te caresse. Oh et puis un pinot en cours d’élevage, oups, encore une glissade, je prends du plaisir à défaut de notes, avec des vins qui s’installent dans mon palais et dessinent des arabesques.
« J’aime beaucoup l’aspect rudéral qui peut se trouver dans certaines musiques, des compositions qui poussent comme du chiendent et qui prennent des formes étranges à cause du milieu hostile où elles ont germé. Et j’adore les sonorités arides et rocailleuses, comme celles du vieux blues »
Géraud est seul cette belle après-midi de décembre mais on sent bien dans son discours que tout est fait à deux : Pauline et Géraud. D’ailleurs c’est elle l’œnologue du couple, alors que je croyais que les meufs dans les domaines ne faisaient que la compta (#womendowine).
Bon, je vais pas décrire les vins, piètre dégustateur que je suis (et puis ya une rubrique Marnes Blanches sur LPV). Cet exercice me fatigue de plus en plus, il ressemble à un dictionnaire des synonymes. On apprends rien sur le vin mais on se tape une avalanches d’adjectifs en oxymores. Preuve lue sur des blogs de pro : ‘finale tendue ET étirée’. OKAY. ‘Finale fraîche ET tonique’. OKAY. J’essaye d’imaginer le concept.
– Hum, quelle finale fraîche
– Et tonique !
– Ah non pas du tout. Très molle. Mais fraîche.
– OK, une finale fraîche et molle mais pas tonique.
– Là par exemple c’est une finale tonique mais pas fraîche.
– Tu vois la différence entre un glaçon et une boule de glace en train de fondre ?
– Ah ouais. Trop ienb. Frais.
J’aime bien aussi le remarquable souci de précision dans des notes de dégustations que j’imagine savantes et intégrant dans le palais des auteurs une chromatographie en phase gazeuse : « arômes de Mara des bois ». °-°
J’imagine les discussions du jury, avec carnets et convictions pénétrées :
– Hum, quel nez ! fruits rouges, pointes de fraises…
– Oui, on est sur une note Darselect, juteuse, croquante, croustillante, pétillante, tonitruante
– Ah non pas du tout, on est clairement sur la ciflorette
– Non, trop acidulée, on retrouve vraiment l’aspect musqué d’une Mara des bois
– Oui, alors plus sur un musc polycyclique que nitro-aromatique
– Exact, je sens bien la double liaison du tétra-hydronaphthalène
– S’il te plait Spotify vient vite à la rescousse avec une rubrique vin « recommandé pour vous »
– En fait ça existe à Tokyo, le ‘Amazon bar’
Pour pallier au malaise des béotiens nous sommes heureux de vous offrir ce tutogramme facilitant le choix multifactoriel du vin selon différents moteurs décisionnels. Ne nous remerciez pas =>
Nous disions donc : les cuvées de Pauline et Géraud permettent de découvrir les sous-sols, les cépages et les savoir-faire jurassiens. Ils sont bien organisés donc ça facilite l’exercice. Une gamme « Empreinte » avec des blancs élevés sous voile, une gamme « Reflets » avec des blancs ouillés (on ne laisse pas évaporer, on complète les barriques) et vinifiés par cépage/parcelle, enfin la gamme « Tradition » pour découvrir les crémants, vin jaune, vin de paille, mac-vin et marc. Ouais. Tout ça. Autant prévenir qu’une dégustation aux Marnes Blanches nécessite une certaine concentration. Pleins de cuvées sont vinifiées sans soufre ajoutée, les autres à de très faibles doses. Géraud est attentif au travail du sol, dont la diversité exige adaptation et patience… C’est un chouette travail que de savoir évoluer sans renier ou d’avoir une personnalité réelle sans s’opposer à un collectif. C’est toute la beauté de ce jeune domaine, ambitieux sans prétention, qui tel un rameau s’épanouis dans une douce continuité sur le socle des savoirs traditionnels. On y apprécie son travail sur le savagnin, en élevage typé ‘jura’ et en élevage ‘classique’, découvrant les notes exotiques de ce parent lointain du Einstürzende Neubaten Gewürztraminer.
En sortant du chai direction une vieille bâtisse où trempent les vins jaunes, on passe devant une parcelle avec quelques moutons noirs béatement occupés.
« ah tu as des moutons pour gérer l’herbe ? »
« non, non, c’est des vieux moutons, je les laisse là pour pas qu’ils partent à l’abattoir »
On termine la visite par une dégustation de la gamme embouteillée du crémant aux vins jaunes, épopée fortement évocatrice : on passe de tonitruantes bulles à d’intrigantes saveurs. Avec deux crémants, Géraud joue sur les nuances de textures, bulles plus ou moins domptées par l’élevage. Des contrastes sont finalement très post-rock, alternant phases tranquilles et grosses envolées lyriques. Alors forcément, je cause de ce genre fourre-tout et pourtant bien identifié avec L’Effondras. J’avais lu dans une interview passée qu’ils avaient très peu écouté Mogwai ou GSY!BE. Intriguant. Je pose la question pour savoir si ce n’est pas juste une coquetterie d’artiste reniant ses influences. « Je dois être le seul des trois à avoir écouté Mogwaï, vers 15, 16 ans quand Come on Die Young est sorti. J’aimais bien à l’époque. Leur son avait encore quelque chose de novateur. Après je pense que c’était un des premiers groupes instrumentaux sur lequel je suis tombé, c’est certainement la principale raison pour laquelle il m’a touché à l’époque. Ensuite j’ai creusé et découvert plein d’autres groupes que j’ai trouvés plus intéressants. Mogwaï pour moi possède un spectre d’émotions très adolescentes, une forme de lyrisme contemplatif assez limité. Par exemple à la même époque j’ai découvert Rroselicœur, un groupe brillant qui tout en utilisant plus ou moins les mêmes formules (minimalisme, crescendos épiques), voire en les poussant à l’extrême parvenait à créer une atmosphère très originale, hors du temps et de l’espace, une expérience ascétique, quasi-mystique.
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Et puis je suis rapidement tombé sur Slint et quand on écoute Spiderland pour la première fois, quand on goûte a quelque chose d’aussi substantiel c’est difficile de revenir à Mogwaï. Pour ce qui concerne Godspeed, je n’ai jamais réussi à rentrer dedans. Je pense que c’est dû au fait qu’enfant j’écoutais principalement de la musique classique et qu’en comparaison je trouve leurs harmonies et même leur pouvoir d’évocations très pauvres. Notre groupe est très limité au niveau harmonique et c’est assumé car nous pensons que le minimalisme peut créer des choses intéressantes. C’est plus le fait que je ne comprends pas l’intérêt d’avoir autant d’instruments si c’est pour finalement produire quelque chose d’aussi basique, tant au niveau des mélodies, des timbres que de la narration par exemple. Et puis ils ont ce côté grandiloquent qui m’agace très vite. »
Technique évanescente
Justement, les vinifications de Pauline et Géraud ne cherchent pas la grandiloquence technique, laissent la part belle aux phénomènes naturels tout en étant méticuleux dans les orientations du vivant. Ils savent ajuster le potentiel d’un raisin (pressurage malin, infusion plus qu’extraction), dans une forme noble, dense et maîtrisée. Élever sous voile est de toute façon une manière peu commune de travailler avec le vivant : lui faire confiance, laisser durer un processus, laisser le temps à une vieille recette de produire son effet. Unique et romantique (quel process de fabrication aujourd’hui laisse le temps). Ces méthodes sont peu interventionnistes même si le mot peut parfois cacher la somme de travail que cela représente, de ne pas intervenir ! L’accompagnement du vivant certes, avec la précision des gestes qui savent orienter les mécanismes. Less is more.
« Nous utilisons principalement les sons naturels de nos amplis et même à ce niveau-là nous restons dans une approche « less is more ».. Je ne vois pas du tout l’intérêt de dénaturer le son d’une bonne guitare et d’un bel ampli à travers dix mille pédales d’effet.. La conduction ne doit pas être rompue. Skip James n’a pas eu besoin de dix-huit pédales d’effet pour parvenir jusqu’au cœur. Même un album au son phénoménal comme Earth2, repose sur l’accumulation et l’ajustement de couches de guitares branchées simplement sur une bonne vieille Big Muff..Tant de gens ont essayé en vain de retrouver ce son.. »
Le dernier disque de L’Effondras s’appelle « flavescences », le cauchemar de la viticulture et même si le Jura est pour le moment épargné, je demande aux gars si c’est pas un peu provoc comme titre d’album – où l’on découvre que nos rockeurs trainent aussi entre les ceps « Oui j’avais déjà entendu parler de cette maladie vu que je suis dans les vignes tous les ans, mais ce titre ne renvoie pas directement à cela. C’est une mythologie intime, dur à décrire en quelques mots. C’est par exemple la couleur des livres qui ont déteint au Soleil, une couleur à la fois glorieuse et dérisoire, quelque chose d’immémorial, perdu mais toujours latent dont la sensation se retrouve quelque fois par fulgurances. » Comme un vin jaune qui pendant 7 ans tisse ses saveurs en dégradant son substrat.
Des lérots et des poules
Avant de quitter la cave enchantée des Marnes Blanches, Géraud nous propose de faire un tour dans sa grange où sèchent sur claies des raisins destinés à faire du vin de paille. « Bon là j’ai mis des filets on se fait boulotter les baies par des lérots, j’ai l’impression que ça marche » dit-il amusé en checkant derrière les filets si les lérots se sont calmés. Installation à la cool, un peu lofi dans l’esprit, pas de panique ou d’état d’urgence pour virer les lérots. Ici, on est pas vraiment dans l’explosion de technologie. « Nous ne sommes absolument pas des fous de matos… Pour nous chiner à la recherche de l’effet sensationnel c’est vraiment se disperser, c’est une quête sans fin. Ce que tu appelles « mur du son » est surtout une histoire d’ajustement de fréquences et là-dessus nous avons assez bûché. Comme il n’y a pas de basse dans le groupe, le rôle de Pedro, l’autre gratteux était de creuser le plus naturellement possible le son produit afin d’aller chercher ces fréquences-là, pendant que moi je comblais le vide par les haut-médiums/aigus».
Heureux d’avoir redécouvert le potentiel du vin jaune, je deviens moins précis dans mon écoute et crois distinguer une double pédale chez L’Effondras « il n’y a pas de double pédale et c’est bien dommage, c’est pas faute d’écouter Burzum et Bolt Thrower. Peut-être dans le prochain, notre producteur nous a déjà acheté une chinoise et du maquillage ». La conversation s’effiloche sous l’effet du mac-vin quand je parle de cette station d’autoroute où trône une mega sculpture d’un poulet stylé « L’aire du Poulet de Bresse est plus qu’un haut lieu sacré, c’est un vortex spatio-temporel qui selon certains alignements astraux bien spécifiques et la psalmodie de caquètements précis permet aux initiés de se décorporer pour atteindre une autre dimension, qui est une sorte de Valhalla des gallinacés et qui est le seul vrai monde. Au commencement de tout, il n’y avait ni œuf ni poule, le Grand Démiurge est un Poulet de Bresse. »
Vérité enfin rétablie, à l’ombre du Grand Poulet de Bresse, nous sommes parés pour lutter comme Rome et ses excès. De chimie, de grande surface, d’investisseurs, de technologie. Les vins nature sont les luthériens du vin, ne faites pas de nos faiblesses un commerce. Difficile de croire en une configuration idéale. Aléatoire et déterminisme. C’était quoi déjà les conditions initiales ?
oui je sais c’est pas un disque de l’effondras mais un vinyle jaune c’est cool
PS /
Dans les extraits d’interview, c’est Pierre qui parle, l’un des 2 guitaristes de L’Effondras.
Ils seront en tournée cet hiver et viennent de sortir une bien belle vidéo de Lux Furiosa en live, via Gonzaï.
La visite au Domaine des Marnes Blanches date de décembre 2016, merci Géraud pour l’accueil.
En matière de Jura, je ne suis qu’un petit joueur et une modeste porte d’entrée. Incontournable est le Blog D’Olif !
Sur Lyon, les bons cavistes savent. Chez notre cher Didier on trouve par exemple des Didier Grappe et autres friandises.